L'histoire du chanvre à travers le monde
Le chanvre fait partie des premières plantes domestiquées par l’homme. On commence à l’utiliser en Asie à l’époque néolithique. La culture et l’exploitation du chanvre ont ensuite suivi une évolution à travers le monde, au travers des migrations et des conquêtes, pour se répandre petit à petit sur tous les continents. Quelle est l’histoire de cette plante si convoitée aujourd’hui ? Pourquoi peut-on la retrouver aujourd’hui sous différentes formes ? Découvrons-le dans ce nouvel article !
Le Néolithique, la naissance de l’exploitation du chanvre
C’est grâce à des traces archéologiques retrouvées en Asie que l’on peut aujourd’hui prouver la première utilisation du chanvre dans le monde. On découvre que la plante était utilisée dans les foyers préhistoriques en Asie et en même temps en Europe. Elle servait à la fois pour ses fibres réputées solides, ses graines très riches en oligoéléments et ses propriétés médicinales avec sa résine. Le chanvre commence alors à être domestiqué à plusieurs endroits, avec des cultures qui suivent les changements sociaux et l’évolution technique des populations. Personne ne peut affirmer si, à cette époque, les utilisateurs de la plante avaient déjà conscience de ses effets psychoactifs. Cependant, la découverte de graines brûlées dans plusieurs sites archéologiques laisse à penser que des hommes utilisaient la plante pour la fumer.
L’Égypte Antique et le développement de l’usage médicinal
C’est en Égypte Antique que l’utilisation médicinale du chanvre s’est accentuée. Le papyrus Ebers (rédigé 1500 ans av. J.-C.) décrit notamment l’utilisation d’huile de chanvre pour soigner des maladies sexuelles. Par ailleurs en Chine, d’anciens traités de médecine mentionnent le cannabis. On en parle alors comme d’une drogue puissante destinée à prolonger la vie. Enfin, dans le monde gréco-latin, on retrouve des écrits du médecin botaniste Dioscorides qui parle du chanvre comme d’une plante de grande utilité, qui servait à tresser des cordages solides, qui favorisait la contraception en l’ingérant ou qui pouvait soigner le mal d’oreille en le prenant sous forme de jus.
Les peuples germaniques utilisaient beaucoup le chanvre pour la qualité de ses fibres qui permettaient de concevoir des vêtements et des cordes pour les bateaux. Enfin, certains témoignages confirment que l’Empire romain avait une culture poussée du chanvre. Pline d’Ancien donnait même de nombreux conseils quant à son utilisation, sa culture, le choix des différentes variétés et les meilleures périodes pour cultiver le chanvre.
Le Moyen-Âge, un pas de plus dans le développement de la culture du chanvre
C’est Charlemagne qui va encourager la culture du chanvre au Moyen-Âge. Il en parle comme une dentée stratégique qui garantit la prospérité en raison de toutes les utilisations possibles de la plante. Les peuples arabes vont, eux aussi, apprendre grâce au chanvre la fabrication du papier à partir de ses fibres. En Allemagne, l’abbesse Hildegarde de Bingen cultive même du cannabis dans son jardin, et elle en préconise l’usage, car cela lui permet de soigner ses nausées et ses douleurs à l’estomac.
En 1378, l’émir Soudoun Sheikouni interdit la culture du cannabis en Égypte. C’est la première formulation concrète d’interdiction d’exploitation et d’usage du cannabis dans le monde.
La Renaissance, le cannabis devient la plante de Satan
À la Renaissance, les questionnements autour de la sorcellerie naissent dans le cadre de l’Église. Ainsi, les chrétiens et le pape Innocent VIII font une liaison directe entre la sorcellerie et l’hérésie. Très vite, les plantes médicinales, dont le chanvre, se marginalisent. Pourtant, les célèbres herbiers de l’époque poursuivent leurs travaux et continuent de parler du cannabis autour d’eux.
On découvre en 1484 la première édition illustrée de l’Herbarius pseudo-Apulée, une encyclopédie médicinale dans laquelle apparaît le chanvre. En Allemagne, on découvre également plusieurs planches scientifiques dédiées au chanvre.
Les Temps modernes : le chanvre devient un élément de conquête stratégique
À partir du XVIIe siècle, toutes les puissances européennes se disputent la conquête de l’espace naval. Tous souhaitent obtenir le pouvoir sur des points de passages et de contrôle stratégiques. À cette époque, le chanvre devient un allié de choix pour les navigateurs, qui peuvent alors équiper leurs bateaux de cordages puissants et solides alors qu’ils n’avaient, jusque-là, que des bateaux poussés à la force du vent. On se met alors à fabriquer en masse des cordages, des câbles, des échelles et des voiles pour développer les navires à la conquête du territoire. Un navire de taille moyenne pouvait utiliser par an jusqu’à 80 tonnes de chanvre sous forme de cordage, et jusqu’à 8 tonnes sous la forme de voile.
À cette période, le chanvre est un matériau stratégique qui permet aux navigateurs de s’équiper et de devenir plus puissants dans le cadre des batailles navales.
La France voit naître la corderie royale de Colbert en 1666, qui s’associe à l’arsenal de Rochefort sur Mer. La corderie réalise un travail colossal en termes de sécurisation de l’approvisionnement en chanvre au niveau national.
Diderot et d’Alembert détaillent, quant à eux, la culture du chanvre dans leur Encyclopédie et mentionnent les propriétés psychotropes de la plante. On sait désormais que le chanvre peut autant être exploité pour la fabrication de textile que vous inhaler sa fumée et trouver un sentiment d’ivresse. Ils mentionnent même la fabrication du hachich grâce à l’extraction de résine par les feuilles de cannabis en Orient. Les colons européens entreprennent la culture du chanvre à très grande échelle. La plante s’exporte partout, car tout le monde connaît désormais ses vertus et ses ressources. Même George Washington, premier président des États-Unis, cultivait du chanvre sur sa plantation, comme en témoigne son journal. Il demande à ses hommes de récupérer un maximum de graines de chanvre indien pour pouvoir en semer le plus possible chez lui.
Au Canada, on comprend également l’avenir puissant du chanvre et, très vite, de nombreuses mesures sont prises en faveur de la plante pour favoriser son développement (subventions, incitations fiscales, distribution de graines aux fermiers...)
Époque contemporaine, le début de la prohibition
Bonaparte dictera en 1800 un décret interdisant l’usage du cannabis dans toute l’Égypte, suite à une tentative d’assassinat commise par un homme sous l’emprise de la plante.
De même, dans les Caraïbes anglophones, on considère l’usage psychotrope du cannabis comme une conséquence directe de l’abolition de l’esclavage. On aurait importé le cannabis indien en même temps que la main d’œuvre pour remplacer les anciens esclaves noirs dans les plantations de canne à sucre.
Des scientifiques et docteurs continuent tout de même de défendre cette plante aux mille vertus. C’est le cas de Théophile Gautier et Jacques-Joseph Moreau qui fonderont le club des Hashischins en 1844. De nombreux artistes français se rallieront à leur cause et fréquenteront l’association.
Au XIXe siècle, le cannabis est largement utilisé pour ses vertus médicinales. On le prescrit sous forme de solution alcoolique. Il porte désormais l’étiquette officielle de médicament et on le prescrit partout à travers le monde. La reine anglaise Victoria, par exemple, se verra prescrire du cannabis pour soulager ses douleurs menstruelles. On commercialise les solutions à base de cannabis aux États-Unis et le succès est grandissant. Malheureusement, l’arrivée d’autres médicaments sur le marché, comme l’aspirine, viennent détrôner le chanvre et son déclin commence.
Au Mexique, on poursuit la culture du chanvre avec l’exportation de ses fleurs pour confectionner des cigarettes à bas coût. C’est d’ailleurs aux Mexicains que nous devons le terme « marijuana » qui désignait au départ une cigarette de mauvaise qualité.
C’est entre les années 1920 et 1930 aux États-Unis que la véritable prohibition du cannabis commence. Après un échec fulgurant sur l’interdiction de l’alcool, les lobbys s’intéressent au cannabis en le qualifiant de « drogue du diable ». Le chanvre est alors distribué en masse au marché noir et continue de connaître le succès.
La Nouvelle-Orléans exerce une pression sociale autour de la consommation de la plante, et indique que 60 % des crimes commis viennent de la consommation de cannabis. La propagande est alors lancée pour stopper net l’ascension de la plante afin de favoriser le lobby du coton, du nylon et du pétrole dans l’industrie de la chimie.
On associe la plante au « dégoût des nègres », au rejet de leur musique (blues et jazz) ainsi qu’aux ravages présupposés de la consommation de chanvre. Les médias communiquent en créant un lien direct entre violence et cannabis. Enfin, en 1937, une loi instaure une taxe sur la production, le commerce et l’usage industriel et médical du cannabis aux États-Unis.
Le reste du monde suit le mouvement américain et tous les pays du monde œuvrent pour une lutte contre le trafic de drogue. Tout le monde, ou presque, souhaite inscrire le cannabis dans la liste des produits stupéfiants, car il causera débilité et dommages.
Le commerce du chanvre décline de plus en plus, face à des industries textiles et pétrolières de plus en plus puissantes.
Le retour du chanvre avec une culture plus contrôlée
Dans les années 1960, l’INRA et la Fédération nationale des producteurs de chanvre commencent un programme de sélection des variétés de la plante. Ceci leur permet de mieux contrôler la production et de sélectionner des génétiques plus faibles en THC. De cette façon, ils peuvent relancer la culture du chanvre agricole et revaloriser le produit en clôturant peu à peu le débat sur les risques psychotropes.
Les avancées scientifiques permettent désormais d’isoler le THC, molécule responsable des effets psychotropes du cannabis. Ainsi, la filière agricole est relancée avec la culture d’un chanvre plus « light » pour la fabrication de textiles.
Les Pays-Bas, quant à eux, décident en 1976 de décriminaliser le cannabis et autorisent la vente et l’usage de la plante. Une décision politique visant à limiter l’accès des consommateurs au marché noir, qui les exposerait bien plus facilement à des substances illicites plus dangereuses comme la cocaïne ou les opiacés.
Les prises de conscience écologiques à travers le monde aident la culture du chanvre à revenir sur le devant de la scène. On redécouvre la plante pour ses possibilités variées et surtout, pour son faible impact environnemental. On l’utilise alors abondamment pour le textile, l’habitat, l’alimentation ou les biocarburants. Les surfaces agricoles exploitant le chanvre se démultiplient dans l’Union européenne.
Les années à venir : le véritable retour du chanvre dans nos sociétés ?
L’essor agricole du cannabis permet désormais aux chanvriers d’en apprendre davantage sur la plante et ses multiples possibilités. On maîtrise désormais sa culture et les avancées scientifiques permettent aujourd’hui de sélectionner avec précision les différentes variétés et la concentration de leurs différentes molécules. La diffusion des informations sur Internet permet aux consommateurs d’avoir une meilleure vision de leur consommation, des risques et des bienfaits de la plante.
En 2005, un tournant majeur se produit, car le cannabis thérapeutique est alors accepté. On assouplit la législation dans certains pays qui peuvent déployer l’usage médical du cannabis sous la prescription d’un médecin.
De nombreux pays légalisent peu à peu le cannabis pour son usage récréatif et l’économie se relance autour du produit avec des magasins dans plusieurs grandes villes à travers le monde. Le commerce du cannabis se déploie également sur Internet avec des sites e-commerce fourni en plante de toute sorte.
La maîtrise de la culture du chanvre permet également de créer de nouvelles variétés non psychotropes (sans THC ou très peu) que l’on appelle « cannabis CBD ». Ainsi, les consommateurs peuvent profiter des bienfaits de la plante (relaxante, apaisante, antistress) sans se soucier des effets secondaires possibles.
Allons-nous, nous aussi en France, vers une légalisation totale du cannabis comme au Canada ou aux États-Unis ? Les années à venir nous le diront !